Après avoir été presque totalement ignoré par l'historiographie de la Première Guerre mondiale durant de nombreuses années, le thème des prisonniers de guerre est aujourd'hui en profond renouvellement. La découverte fortuite de deux cahiers manuscrits datant de cette période a été le point de départ d'une passionnante enquête sur la captivité de guerre qui s'inscrit contre ce mouvement d'amnésie qui avait écarté un combattant sur dix de notre patrimoine mémoriel.
Le premier cahier contient un texte anonyme en allemand et le second, un répertoire alphabétique d'environ 600 militaires allemands, malades ou blessés. Le lien entre les deux cahier sera établi après quelques semaines d'investigations, tandis que plusieurs mois seront nécessaires pour identifier les personnages et les lieux mentionnés.
Auguste Scharr, auteur du premier cahier, originaire de Hanovre, était soldat dans un régiment de réserve de la 2e armée von Bülow. Il raconte son épopée depuis la mobilisation jusqu'à sa capture durant la bataille de la Marne. Il fut admis à l'hôpital mixte d'Issoudun à la fin d'octobre 1914, raison pour laquelle il figure dans le second cahier qui répertorie les prisonniers allemands hospitalisés dans ce hôpital durant le conflit. Il sera emporté par la fièvre typhoïde en novembre laissant ainsi son récit aux mains d'un administrateur de l'hôpital, auteur du second cahier. La première partie de l'ouvrage présente le texte original en allemand du récit de Scharr, puis sa traduction en français commentée et illustrée, tandis que la seconde partie reconstitue le parcours des 600 patients mentionnés dans le second cahier.
Grâce à la "redécouverte" du fichier national des prisonniers de guerre de la Première Guerre mondiale, et à l'utilisation des listes de disparitions de l'armée allemande, il a été possible de replacer l'hospitalisation à Issoudun, pour chacun des 600 patients, dans son parcours de prisonnier et, au-delà, d'établir un véritable cadre quantitatif des conditions réelles de la captivité. Ces données sérielles fournissent en effet un suivi des différents déplacements des prisonniers depuis la capture jusqu'au rapatriement, permettant ainsi une mesure fine des flux, des mutations subies, des conditions de mortalité et de l'importance des rapatriements via la Suisse, renouvelant totalement une perception jusqu'alors forgée au prisme des témoignages.