Parmi toutes les batailles de la Grande Guerre, Verdun fait figure d'exception. Non à cause des pertes, objet de tous les fantasmes, ni du nombre d'obus tirés, de tactiques nouvelles et de mille autres superlatifs - elle n'est ni plus "violente" ni plus meurtrière que d'autres -, mais en raison de l'intensité du feu de l'artillerie, de la concentration massive d'hommes et de l'accumulation des moyens matériels. De ce point de vue, elle rassemble déjà toutes les caractéristiques de l'hyperbataille. Emblématique de la guerre de tranchées, immobile, elle est pourtant en mouvement incessant sur terre et dans les airs. Longue - trois cents jours, de février à décembre 1916 -, discrète dans ses dimensions spatiales, colossale dans les moyens matériels mobilisés pour détruire la nature et tuer des hommes, cette bataille à somme nulle au plan militaire est un géant mémoriel : une vraie métaphore de la guerre pour les Français tant dans le duel franco-allemand, dont elle est le symbole, que dans la cinématique de l'offensive.
Verdun mérite son histoire intégrale dépoussiérée, rajeunie et démythifiée, connectée à l'histoire politique, sociale, économique, technique, culturelle, mais avec ses spécificités qui tiennent à la structure des armées, à leur finalité opérationnelle, aux relations intramilitaires. Ce troisième opus de la collection "Champs de bataille" l'aborde à hauteur d'hommes, de la vision du caporal à celle du général, des tranchées aux états-majors, sans être une transcription de récits et sans opposer une histoire par le bas, celle des soldats et officiers qui se battent, souffrent, meurent, à une histoire par le haut, celle des généraux et des décideurs. L'une n'existe pas sans l'autre.